Google vs Microsoft : la bataille des titans

On a souvent tendance à penser aux géants de la tech comme à un écosystème solidaire, voire homogène, car leurs succès respectifs s’appuient sur les mêmes avancées technologiques, et sont à l’origine du même changement de paradigme dans nos sociétés. Et pourtant… Les interactions complexes entre Google et Microsoft sont, depuis 2007, une illustration parfaitement pertinente du concept de guerre économique quand elle ne concerne pas deux pays, mais deux entreprises dont les chiffres d’affaires ressemblent au PIB de certains pays. Les intérêts en jeu sont tout simplement vertigineux.

Comment résumer brièvement ce choc des Titans, qui est, depuis dix-sept ans, une réalité en filigrane des grands équilibres économiques du secteur numérique?

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Nous allons nous y essayer ici.

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En 2007, Microsoft investit 100 millions de dollars pour prendre un avantage stratégique, qu’elle espère définitif, sur Google. Pourtant, tout ne se passe pas comme prévu, malgré l’énormité des moyens mis en œuvre, car Google réplique par un coup stratégique que son concurrent n’est pas prêt d’oublier.

Rappelons qu’en 2007, Google était déjà devenu beaucoup plus qu’un simple moteur de recherche - même s’il était déjà devenu l’archétype du moteur de recherche, comme l’illustre l’apparition du néologisme “googliser”. La création de Gmail et de Maps, ainsi que le récent rachat de Youtube, laissaient présager de l'émergence d’un empire. Mais face à cette situation, Steve Ballmer, l’énergique patron de Microsoft, n’avait nulle intention d’être un concurrent spectateur.

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L’audace était de mise pour réécrire l’histoire de la tech, d’autant que Microsoft venait d’enregistrer des échecs avec MSM Search et Windows Live Search. C’est dans ce contexte que Ballmer décide de créer un moteur de recherche révolutionnaire, qui ne se contenterait pas de donner de simples résultats référencés, mais des réponses concrètes pour aider à la prise de décision. Le nom de ce moeur de recherche est bien connu, puisqu’il s’agit de Bing, sur lequel tant d’espoirs étaient fondés par Microsoft qu’ils étaient prêts à tout y investir pour détrôner Google.

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Cette attaque massive et très agressive impliqua notamment plus de 100 millions de dollars de publicité, dont un spot télé visant à ridiculiser Google en montrant des utilisateurs censément atteints d’un “syndrôme de surcharge de recherche”. 

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Dans la foulée, Microsoft offrit même 44,6 milliards de dollars pour racheter Yahoo, le concurrent le plus direct de Google, afin d’unir leurs forces pour prendre définitivement l’avantage. Proposition que Yahoo s’empressa… de refuser, réalisant ainsi, sans doute, l’une des plus grandes erreurs stratégiques de l’histoire de la tech.

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Du côté de Google, le calme et la stratégie de temps long étaient de mise : laisser Microsoft dépenser des sommes faramineuses en attaques, ignorer ces provocations et miser sur l’innovation. On a pu mesurer depuis la pertinence de cette vision à long terme.

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Tout d’abord, Google lance Android, un système d’exploitation mobile gratuit, assurant, via cette gratuité, sa présence sur des milliards d’appareils, ce qui est bel et bien le cas aujourd’hui. Le lancement de Chrome est la deuxième et cinglante réponse aux attaques de Microsoft : tandis que ce concurrent raillait l’interface simple de Google, l’entreprise développait le navigateur le plus rapide jamais conçu, et en faisait la base de tous les services Google. Mais ce n’étaient que les premières étapes avant le véritable coup de maître…

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En effet, l’action suivante fut la création de Google Docs, et la fait de proposer dans la foulée une suite bureautique collaborative, en ligne et gratuite. Un coup très dur pour Microsoft, qui avait mis des décennies à développer Office, et voyait soudain son concurrent proposer un équivalent sans frais!

Que peut-on dire, aujourd’hui, des résultats de cet affrontement au sommet? Malgré 100 millions de dollars investis en publicité et deux milliards de dollars de perte par an sur Bing, Microsoft n’atteint que 8,4% de parts de marché. Ce qui est loin d’être négligeable vue l’importance du marché, mais ce qui reste anecdotique si l’on considère que Google, en évitant toute attaque frontale et en privilégiant l’innovation, en draine aujourd’hui 65%. Mais… L’histoire ne s’arrête pas là.

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Satya Nadella, l’ingénieur de Microsoft qui dirigeait l’équipe Bing, a permis à l’entreprise de réaliser des avancées considérables dans le domaine de l’Intelligence Artificielle et du machine learning, ses innovations ayant été à l’origine d’Azure, la plateforme cloud de Microsoft, dont il devient Président Directeur général en 2014. Sous sa direction, la société abandonne la guerre, déjà perdue, des moteurs de recherche, pour se concentrer sur le cloud et les solutions pour les entreprises, domaine dans lequel Microsoft est désormais le leader incontesté. Un revers bien géré et un changement de direction audacieux peuvent donc être à l’origine d’une grande réussite.

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Ce choc des Titans, qui a permis à chacun des protagonistes de prendre pleinement sa place de premier plan dans la transition numérique, a aussi redéfini l’impact de la tech sur le monde des affaires, notamment parce que les APIs sont devenues la clef des intégrations, que l’automatisation a transformé les opérations, et que le cloud a révolutionné l’évolutivité, donnant naissance à l’économie programmable.

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Au final, l’affrontement entre Google et Microsoft n’était pas une simple guerre de moteurs de recherche, mais une lutte pour définir l’avenir de la tech et prendre sa part du marché qui en résulte. C’est aussi, s’il en était besoin, la preuve que la guerre économique, tout autant que la guerre au sens classique du terme, fait évoluer les technologies et les mentalités, et qu’il est indispensable de s’approprier ces évolutions pour être à même d’en tirer profit. C’est l’un des constats qui conduit l’Ecole Européenne du Numérique à accompagner des profils divers vers les métiers émergents dans le cadre de la transition numérique. 

Desquels de nos lecteurs d’aujourd’hui raconterons-nous ici, un jour, l’épopée qui a révolutionné la tech ?