La Mère d’Internet
Sans Radia Perlman, Internet tel qu’on le connaît n’existerait pas. Elle a inventé le Spanning Tree Protocol, un algorithme clé qui empêche les réseaux de s’effondrer.

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Si la période est plutôt propice pour évoquer le Père Noël (ou le Grand-Père Noël si on fait de la traduction littérale du breton Tad Kozh Nedeleg), c’est d’une femme, dont peu connaissent le nom, mais qui est un peu notre Mère Noël à tous, puisqu’on peut à bon droit la considérer comme la Mère d’Internet, que jeu veux vous parler aujourd’hui…
Elle a inventé un code qui empêche internet de s'effondrer. Ce code fonctionne dans chaque réseau mondial, sur votre téléphone, votre ordinateur, et dans les serveurs qui transmettent cet article. Elle a plus de 100 brevets à son actif. Elle est membre du Hall of Fame d'Internet. Et pourtant, vous n’avez probablement jamais entendu son nom.
Radia Perlman n'a jamais cherché à devenir la Mère d'Internet. Elle voulait simplement résoudre un problème.
Dans les années 1980, les ordinateurs d'un réseau avaient du mal à partager des données de manière fiable sans créer de chaos. Les messages bouclaient sans fin, les systèmes plantaient. Le monde numérique était brillant mais instable, un peu comme une ville avec des routes mais sans règles de circulation. jusqu’à ce que Radia, ingénieur logiciel chez Digital Equipment Corporation, décide de régler cela.
Née en 1951, Radia était fascinée par les mathématiques et les énigmes. Ses parents étaient ingénieurs, une exception à l’époque s’agissant de sa mère, qui était programmeuse alors que très peu de femmes travaillaient dans ce domaine.
Radia a étudié au MIT, où elle a obtenu son diplôme de premier cycle, puis un master et un doctorat en informatique. C’était dans les années 1970, une période où les départements d’informatique étaient presque exclusivement masculins. En tant que femme, elle devait sans cesse prouver sa légitimité. Mais Radia avait quelque chose qui surpassait les préjugés : elle était douée pour résoudre les problèmes que personne d'autre ne parvenait à solutionner, voire n’osait aborder.
À l’aube de l’informatique en réseau, les ordinateurs étaient connectés dans des structures en maillage appelées réseaux locaux. Le problème majeur était la redondance. Les réseaux avaient besoin de chemins de secours en cas de défaillance d'une connexion, mais ces chemins créaient des boucles.
Quand des paquets de données entraient dans une boucle, ils circulaient indéfiniment, se multipliant et obstruant le réseau jusqu’à ce que tout s’effondre. C’était comme du trafic sur une autoroute circulaire sans sorties — un embouteillage garanti. Les ingénieurs avaient essayé diverses solutions. Aucune n’était fiable. Les réseaux restaient fragiles, susceptibles de subir fréquemment des pannes catastrophiques.
Et puis, en 1985, Radia inventa le Spanning Tree Protocol (STP).
Son algorithme était simple mais brillant : il permettait aux commutateurs réseau de communiquer entre eux, d'identifier les boucles potentielles et de désactiver automatiquement les chemins redondants tout en les maintenant prêts à intervenir en cas de défaillance des connexions principales. Quand un chemin réseau se brisait, le STP activait instantanément un chemin de secours, assurant ainsi la continuité de la connexion sans intervention humaine. Le réseau pouvait se régénérer tout seul.
Il s’agissait de quelques centaines de lignes de code. Mais ces lignes sont devenues l’un des éléments fondamentaux des réseaux modernes.
Le STP a permis aux réseaux de se développer, de devenir plus complexes et de se connecter à l’échelle mondiale — car désormais, ils pouvaient faire face aux pannes sans s'effondrer.
Le protocole de Radia est devenu une norme, IEEE (802.1D), et a été adopté dans le monde entier. Il fonctionne toujours aujourd'hui, dans votre réseau de bureau, dans les centres de données et dans l'infrastructure d'Internet lui-même.Beaucoup de gens n'en ont jamais entendu parler. Pourtant, sans lui, Internet tel qu’on le connaît aujourd'hui ne pourrait exister.
L’invention de Radia n’a pas été immédiatement saluée. Elle était souvent la seule femme dans les pièces — lors des conférences, des réunions, des discussions techniques. Elle était fréquemment prise pour une secrétaire ou une assistante plutôt que pour l’ingénieur qui avait conçu les systèmes dont on parlait.
Quand des journalistes l’ont appelée la Mère d’Internet, elle a ri — non pas parce que ce n’était pas vrai, mais parce qu’elle savait que ces titres ne rendent jamais justice à l’œuvre qui les sous-tend. Et parce qu’elle comprenait que l’appellation de "mère" minimisait souvent l’accomplissement technique, le réduisant à une dimension nourricière plutôt qu’à une dimension créative inspirée.
Radia préférait la précision à la reconnaissance. Elle a continué de travailler — créant des protocoles de sécurité pour les réseaux, enseignant, écrivant, résolvant les problèmes qui en valaient la peine. Elle détient plus de 100 brevets. Elle a écrit des manuels qui ont formé des générations d’ingénieurs réseaux. Elle a reçu de nombreux prix, dont son entrée au Hall of Fame d’Internet et au National Inventors Hall of Fame.
Mais pendant des décennies, ses contributions sont restées largement invisibles en dehors des cercles techniques spécialisés — parce que la meilleure infrastructure est invisible. Elle fonctionne tout simplement.
L’histoire de Radia Perlman révèle quelque chose d’essentiel sur la technologie et la reconnaissance : les innovations les plus importantes sont souvent silencieuses. Elles fonctionnent en arrière-plan, permettant à tout le reste de fonctionner. Et ceux qui les créent — en particulier si ce sont des femmes — sont souvent effacés du récit.
Quand on parle des pionniers d’Internet, on mentionne Tim Berners-Lee, Vint Cerf, Bob Kahn. Tous méritent cette reconnaissance. Mais Radia Perlman a créé des protocoles fondamentaux sans lesquels leurs innovations n'auraient pas pu prendre de l'ampleur. Elle l’a fait en étant sous-estimée, en devant constamment prouver sa valeur, en travaillant dans des pièces où on présumait qu’elle n’avait pas sa place, ou seulement sur un strapontin.
Aujourd’hui, Radia Perlman est membre émérite chez Dell Technologies. Elle a 74 ans et continue de travailler, de résoudre des problèmes, et d’enseigner. Son Spanning Tree Protocol, inventé il y a plus de 40 ans, fonctionne toujours dans les réseaux mondiaux, et leur permet de fonctionner à cette échelle. Des variantes et des améliorations ont été développées, mais le concept de base, fondamental et incontournable, demeure le sien.
La plupart des gens qui utilisent Internet au quotidien ignorent que ses algorithmes fonctionnent en arrière-plan, maintenant leurs connexions stables. C'est précisément pourquoi cette histoire est importante et mérite d’être connue. Elle peut aussi, à mes yeux, constituer une précieuse source d’inspiration pour celles, encore trop rares, qui pourraient souhaiter se diriger vers des métiers scientifiques ou du numérique : n’hésitez pas. Vous y avez votre place, et vous pouvez y tenir un rôle essentiel . Comme Radia Perlman.
Sources :
"The Mother of the Internet," Wired.
"Radia Perlman," Internet Hall of Fame.
"Radia Perlman: A Pioneer of the Internet," National Inventors Hall of Fame
Crédit photo:
Intel Free Press, CC BY-SA 2.0, via Wikimedia Commons
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